Lettre de loin à une sacrée belle femme d’Haïti

Article : Lettre de loin à une sacrée belle femme d’Haïti
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17 juillet 2023

Lettre de loin à une sacrée belle femme d’Haïti

J’aime une femme. Je ne sais pas si elle est à Port-au-Prince ou ailleurs. Si elle est vivante ou égarée dans une ville d’Amérique du Nord ou une petite ville de la Caraïbes. Attention ! Elle a une beauté grave. Elle peut illuminer le monde avec son regard.

Je passe un bon dimanche aujourd’hui. Nous sommes 16 juillet. C’est peut-être le plus beau dimanche de ces derniers mois. Le dimanche je reçois aucune visite. C’est un jour consacré à la solitude. Je reste chez moi. Seul. On a tous parfois le besoin de rencontrer nous même. Rester avec moi-même me donne la force de combattre la grande solitude. La solitude que les gens que nous aimons laissent sur nos routes.

Mais aujourd’hui mon dimanche est différent parce que maman est là et puis ma sacrée belle femme d’Haïti est là aussi. Elle est là dans mes songes cette sacrée belle femme. Je pense à elle les yeux ouverts et fermés. Je ne crois pas qu’elle est vivante, qu’on peut la toucher comme on veut. Elle est un mystère. Une déesse. Chaque fois son image apparaît devant moi je rêve que je rêve d’elle.

Quand je pense à elle mon cœur est devenu un jardin de fleurs rose. Elle est vivante en moi. Elle est vivante dans toutes les belles choses que j’ai vues. Elle est vivante dans ce poème d’amour de Pessoa que je viens de lire, dans cette fleur rose qui pousse à l’entré de la cour de Livres Solidaire Haïti à Pétion-Ville. Elle est vivante dans ce soleil chaud qui écrase les chrétiens vivants à Port-au-Prince. Elle est vivante dans la voix d’Ella Fitzgerald. Je ne sais pas pourquoi, quand j’aime une femme j’ai toujours l’impression que ça voix ressemble à celle d’Ella Fritgerald. Peut-être je souffre une maladie de songe. L’amour est un songe qui ne dit jamais la vérité.

Et quand je suis amoureux, j’écoute beaucoup plus Ella Fritgerald. Je l’écoute à plein volume. J’écoute Sarah Vaughan aussi. Et comme il n’y a pas d’amour possible sans chagrin j’écoute Chet Baker quand le verdict est tombé. En écrivant cette lettre je ne sais où est cette femme. Elle est peut-être en train de siroter une bière dans un bar à Port-au-Prince avec quelqu’un. Ou du moins dans une ville d’Amérique du Nord avec un livre entre ses mains. Elle est peut-être sur une plage dans une grande ville de la Caraïbes. Elle est peut-être en train de lire un livre de Christian Bobin ou Paulo Coelho. Les femmes que j’aime adorent souvent ces deux écrivains. C’est le hasard. Qu’importe où elle est je l’aime. Je l’aime avec la ville où elle réside. Il n’y a rien de plus resplendissante qu’une ville où se trouve notre sacrée beauté. C’est pourquoi j’aime plusieurs villes du monde. Chaque fois qu’elle passe dans une ville elle laisse un peu d’étincelle, de beauté. Bon voilà. Trop de songe. Chérie je t’aime avec les villes qui ont laissé des traces dans tes pieds.

Un dimanche de songe

Ma nièce Marc Loudemia Ricot est là aussi. Elle a six ans. Elle a des beaux yeux et un large front. Son front à la forme d’un morceau de lune. Elle parle beaucoup. Elle pose des tas de questions que je n’arrive pas à répondre. (Malheureusement). Elle m’appelle papa. C’est touchant. À chaque fois qu’elle m’appelle comme ça je ressens une lourde responsabilité face à la vie. Je suis un père. Un père n’a pas le droit de laisser son nez une journée durant dans un livre sans donner attention à sa fille. Il y a un temps pour la famille et un temp pour la littérature. C’est l’écrivain New-yorkais Douglas Kennedy qui m’a appris ça dans son roman « Cet instant-là ». La petite Loudemia ne me donne pas le temps pour lire. Elle joue. Elle crie à haute voix. Elle derange mes livres aussi. Elle les trouve trop tristes peut-être. « Papa qu’es-ce qu’il y a dans les livres », questionne Loudemia. C’est une question qui me laisse sans voix. Je dirais peut-être qu’il y a dans les livres des silences, des mondes infinis, des révélations, des rêves à n’en plus finir. Il y a aussi des joies dans les livres. »

Aujourd’hui ma maman est plutôt silencieuse. Elle cuisine. Elle nettoie les livres poussiéreux. Parfois elle rit de tout cœur quand je raconte une anecdote sur ma vie privée. Ma mère est ma boîte secret. Je ne cache rien à elle. Sauf les rendez vous galants raté. Je ne connais une fille qui a le plus beau sourire que ma mère. Et chaque fois qu’elle rit toute la beauté des rivières et nos sources rayonne sur son visage. Ce que j’aime surtout c’est sa couleur, ses cheveux. Et puis elle a une belle dentition avec des gencives violettes. Mon Dieu ! Elle garde en elle l’éclat de sa jeunesse. Je me sens réconforter chaque fois qu’elle rit. Je trouve un peu de vie à la maison. Elle efface toutes les solitudes qui ont été cachées dans les murs. Ma mère, quand elle est là c’est la joie. Même après son départ elle laisserai des joies. Elle est malade. Je prie pour elle. Elle garde le cap. Nous prions Dieu. Dans notre famille, nous n’avons pas la manie de dire je t’aime entre nous. Nous témoignons notre amour par des petits gestes. Des regards fraternels et furtifs. Nous témoignons notre amour en mélangeant nos rires. Tu sais ? Un geste d’amour est plus grandiose qu’une parole d’amour. Nous nous aimons dans le silence.

Je repense encore à cette sacrée belle femme d’Haïti. Elle est belle comme les premiers poèmes d’amour que j’ai écrit dans mon enfance. Elle est une vérité que je ne dois pas révéler au monde. Je l’aime en silence. J’écris des tas de lettres d’amour pour elle. Je les cache dans mes livres qui sont sur les rayons de ma bibliothèque. J’hésite a envoyer ces lettres d’amour. Histoire de toujours rêver. Je ne veux pas la voir dans la réalité. Elle est trop belle pour être visible tout prêt de moi.

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Commentaires

Joseph Naika
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C'est vraiment fascinante cette chronique , j'espère tu trouveras une multitude de réponses pour Loudemia ta petite nièce qui l'incitera à s'initier à la lecture et à être assidue comme toi.

Nicolas Beth-Sarah
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Vraiment touchante !!!🥰🥰🥰

N.
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Penser à l'amour sans pour autant le décrire savoir qu'il est là. C'est à ça que me fait penser cette histoire touchante sur cette femme. En plus le ramener à ta mère et à ta fille. Intéressant.