J’étais aussi poète

Article : J’étais aussi poète
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8 juillet 2023

J’étais aussi poète

Parfois il faut aller à la rencontre de soi-même pour éveiller les souvenirs. Tous les mots ici sont des souvenirs. C’est une chronique qui donne sur mon passé ! 

Mon roman favori….

Je ne serais pas sincère si je cite n’importe quel titre. J’ai une pile de romans favoris qui sont étalés dans un coin de ma mémoire. J’ai tellement lu de livres, de pages. Mes yeux sont épuisés. Je suis parfois à bout de souffle. Lire est un rude exercice physique. Quand je lis trop, il m’arrive de me fatiguer. Mais j’ai encore soif de rêves. La lecture est une thérapie, une consolation avec soi. Chacune de mes lectures ont laissé quelque chose en moi; un émerveillement, un souffle de vie, une petite étincelle. Un bouleversement. Une perturbation parfois. Mon roman favori d’aujourd’hui n’est pas mon roman favori demain. Mais je pense que si j’ai lu La promesse de l’aube de Romain Gary après 20 ans, je sentirai le même éblouissement.

Credit photo : clesbibliofeel

 C’est un livre qui m’a ouvert d’autres horizons. Il résonne encore en moi aujourd’hui. Il y a des lectures qui laissent des traces de larmes en nous. Il y en a qui ont laissé aussi un petit bonheur tout rond. C’est cela le mystère de la lecture. Les sacrifices de la mère de Romain Gary, son amour pour la nature, l’humain. S’il y a une chose qui me hante encore dans ce roman c’est cette phrase de la fin: « Je suis maintenant tout près du mot de la fin ». J’étais ému jusqu’aux larmes. J’avais la sensation d’écouter la voix de Romain Gary dans ma tête. Et je sentais la fin de mon alphabet aussi. C’est un livre qui a un impact énorme sur ma vie quotidienne. Je l’ai recommandé à mes amies Liz Naika, la blogueuse Émilie Marcellin, Julie, et D. Elles ont aimé. J’ai un projet fou: faire lire « La promesse de l’aube » à une cinquantaine de lecteurs à Port-au-Prince et après fonder le club littéraire « La promesse de l’aube ».

 C’est un livre qui m’a ouvert d’autres horizons. Il résonne encore en moi aujourd’hui. Il y a des lectures qui laissent des traces de larmes en nous. Il y en a qui ont laissé aussi un petit bonheur tout rond. C’est cela le mystère de la lecture.




Mes deux endroits

J’aime deux endroits ; Kay 83 à Delmas et Livres Solidaires Haïti à Pétion-Ville. C’est Kettly Mars qui m’avait invité à Kay 83 pour la première fois. J’ai passé plus de deux heures en compagnie d’une grande dame de la littérature haïtienne. On a déjeuné et bu des bières fraîches au rythme d’une musique dont je ne me souviens pas du titre. Mon ami Ervenshy était là avec son sourire élégant et ces lunettes qui lui donnent une tête de romancier russe. Kettly Mars a commenté mes papiers publiés dans ce quotidien de Port-au-Prince. On a parlé de tout ; la situation d’Haïti, la cuisine, la littérature bien sûr. Sur la table d’à côté, trois jeunes et élégantes femmes. Elles regardaient l’écrivaine avec admiration et chuchotaient tout bas : “Regarde l’auteure de Bredjenn Blues ! J’ai souri. J’étais fier. Le même jour, Kettly Mars nous a invités à sa résidence. Ce fut une journée de bonheur, du genre qui n’arrive pas souvent. Depuis ce moment inoubliable, j’emmène les gens que j’aime à Kay 83. Il y a des souvenirs qu’il faut tout faire pour qu’ils ne dorment pas en nous. Parce qu’un souvenir, ça peut empêcher la chute.

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Ma bibliothèque change des vies

Nous sommes parfois des êtres brisés comme du verre, et souvent seuls les souvenirs peuvent nous réconcilier à nous-même, au monde. Je garde tous les meilleurs souvenirs au fond de ma petite âme. Quand je suis désespéré, je retourne dans ces moments passés. Je respire. Je vais mieux. Que serait la vie sans nos souvenirs ? Ce sont mes biens les plus précieux.

Nous sommes parfois des êtres brisés comme du verre, et souvent seuls les souvenirs peuvent nous réconcilier à nous-même, au monde.

J’adore être à la librairie Livres Solidaires Haïti pour le charme qui réside dans le sourire des lecteurs et lectrices quand ils tombent sur un livre qu’ils cherchent depuis la nuit des temps. Pour la joie que je ressens quand je franchis la barrière. Pour l’odeur de cette fleur dans la cour. Pour cet oiseau qui chante dans les branchages. Pour cette musique classique et l’odeur de ce café haïtien qu’on offre avant les livres. Mirlande et Béa sont tellement gentilles et généreuses. Elles dirigent la librairie avec enthousiasme. Elles sont toujours prêtes à aider. Mon meilleur souvenir là-bas ? Une jeune demoiselle un jour m’a dit : « Bonjour monsieur Sony. Vous ne me connaissez pas, mais la dernière fois que je suis venue ici vous m’avez recommandé la lecture de Soie, de Baricco. J’ai lu le livre. J’ai apprécié, merci. » J’étais tellement ému. Je me considérais comme un être exceptionnel (rire).

Qu’as-tu avec les poètes monsieur le journaliste ?

Je n’ai rien contre les poètes. J’aime beaucoup la poésie. Moi et la poésie nous avons des histoires cachées. Quand j’habitais à Sarthe 45, je lisais tous les matins des poèmes de Nazime Hikmet, Gaston Miron, et Pablo Neruda. Je lisais leurs poèmes comme une prière qu’on dit avant de commencer sa journée. Tandis que ma mère, dans sa chambre, implorait Manman Marie, moi je lisais ma poésie à haute voix. Pour laisser les poèmes fleurir en moi. J’ai une conception mystique de la poésie. La poésie, le matin, c’est une bouffée de vie. On ne peut pas vivre sans la poésie. Lorsque j’avais 22 ans, j’étais en couple avec F. On a passé deux ans ensemble. Ma vie était grandiose et intense. F habitait à quelques mètres de chez moi. Parfois, j’écrivais un poème et je l’envoyais dans sa cour.

Chaque fois qu’elle venait chez moi, je lui écrivais un poème. Après notre rupture, il y avait tellement de poèmes dans son tiroir que cela aurait pu constituer plusieurs recueils de poésie. F refuse de me remettre les poèmes. 

La poésie, le matin, c’est une bouffée de vie. On ne peut pas vivre sans la poésie.

Je suis un ancien poète amoureux. La fille, elle ne reviendra plus. Jamais. Ma poésie aussi. Je n’ai rien contre les jeunes poètes du pays. Ce sont mes amis, mes compagnons. Ma chronique n’est pas une censure et je n’ai aucune hostilité envers la poésie. Je lis en ce moment “La haine contre la poésie” de Ben Lerner. Une belle découverte.

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J’ai rencontré plusieurs jeunes poètes qui souffrent selon moi de la mégalomanie. Parfois le poète a du talent mais il parle trop de lui, il fait tellement l’éloge de son œuvre que ça exaspère. Je n’ai jamais vu un grand poète faire l’éloge de son livre. Il faut laisser les poèmes au temps et aux lecteurs. Il y de cela deux ans qu’un pote m’a appelé pour me dire qu’il a écrit un recueil sublime. “Un recueil exceptionnel et j’ai fait ce qu’aucun jeune poète de ma génération a fait dans la littérature haïtienne”, disait-il. Je trouve cela gênant de faire l’éloge de son propre livre. Il faut laisser les adjectifs aux lecteurs. C’est Kettly Mars qui a dit dans une interview que je lui ai accordée “Celui qui a vraiment le talent persévère. Il écrit, il déchire sa feuille et recommence, sans cesse”. Je n’en doute pas.

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Commentaires

Rowski Bontemps
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Sans manque.
Je répète : « C’est Kettly Mars qui a dit dans une interview que je lui ai accordée “Celui qui a vraiment le talent persévère. Il écrit, il déchire sa feuille et recommence, sans cesse”. Je n’en doute pas. »